Accès Internet bas débit : les handicaps des tarifs de télécommunications et du service universel
Durant toute l'année 2001, les pouvoirs publics, de nombreux internautes et des fournisseurs d'accès à Internet (FAI) ont souhaité le lancement à un prix grand public d'offres d'accès Internet innovantes pour l'accès en bas débit via la ligne téléphonique (1).
Les FAI se placent toujours dans cette perspective, mais deux éléments éloignent pour l'instant toute perspective d'innovation majeure :
*
d'une part, le coût de la communication téléphonique
L'Autorité de Régulation des Télécommunications (ART) a approuvé le 30 novembre dernier l'offre technique et tarifaire d'interconnexion de France Télécom pour l'année 2002 (2).
Dans cette offre, figure désormais de manière définitive la capacité pour les opérateurs (et donc indirectement pour les fournisseurs d'accès) d'acheter des accès au réseau téléphonique indépendamment du nombre de minutes transportées.
En apparence, les tarifs 2002 de France Télécom tels qu'approuvés par l'ART représentent une réduction allant jusqu'à 30% par rapport aux tarifs de 2001.
En apparence seulement, car France Télécom a modifié son offre technique, laquelle ne permet plus de "déborder" aux heures de pointe, de l'interconnexion à la capacité vers une interconnexion à la minute. Afin de délivrer la même qualité de service pour les abonnés , les FAI devront donc souscrire à une offre "avec débordement" plus coûteuse d'environ 30%, ou surdimensionner leurs besoins en proportion, ce qui entraînera des surcoûts.
Aussi, avant de lancer de nouvelles offres en 2002, les FAI vont devoir étudier dans le détail avec les opérateurs spécialisés dans la collecte de trafic Internet, l'impact réel de l'offre de France Télécom.
*
d'autre part, le coût du service universel
Le service universel permet de contribuer à offrir un certain nombre de services cruciaux, tels que les cabines téléphoniques, la possibilité pour tous les Français d'être raccordés au téléphone sur tout le territoire sans surcoût, ou les tarifs sociaux.
Le service universel n'est pas une spécificité française. Néanmoins, de toute l'Union Européenne, seule la France le fait financer par l'ensemble du marché des télécommunications, et notamment par les communications à Internet en bas débit.
La contribution est fixée à 0,86 centime de franc par minute, qu'il s'agisse d'une minute d'accès commuté à Internet qui est facturée à l'abonné une dizaine de centimes, ou d'une minute d'un appel vocal facturée plusieurs francs la minute.
Cela explique qu'en 2001, le trafic commuté d’accès à Internet contribuera selon les dernières estimations à près de 25 % au fonds du service universel (3), alors qu'en 1998, il y avait contribué pour moins de 2 % (4).
Cette contribution disproportionnée a un impact direct sur la structure des coûts des FAI. L'AFA estime ainsi que la contribution au service universel représente aujourd’hui jusqu’à 15 % des coûts de collecte du trafic Internet pour les FAI offrant un accès en bas débit.
Il est donc impératif de réduire le coût global du service universel, et de trouver un nouveau mode de répartition de cette contribution entre les opérateurs.
Dans un premier temps, concernant la réduction du coût global, plusieurs pistes de travail peuvent être explorées, dont par exemple :
- déduire les avantages que retire France Télécom de la fourniture du service universel (à lui seul, l'avantage lié à la mise en avant de la marque "France Télécom" a été évalué à 550 millions de francs par l'ART pour l'année 1999),
- prendre en compte les recettes tirées de certains services facturés par France Télécom comme l'inscription en liste rouge ou les services "conforts".
L'AFA va proposer au gouvernement des pistes de réflexion permettant de réduire l'impact excessif du service universel sur l'accès Internet.
En toute hypothèse, parce que les choix techniques seront difficiles à arbitrer par les fournisseurs d'accès, et parce que la réforme du service universel prendra du temps, de longs mois seront encore nécessaires pour qu'apparaissent sur le marché de nouvelles offres d'accès innovantes.
Paris La Défense, le 20 décembre 2001
(1) Pour voir l'historique des principales prises de position :
cliquez ici
(2) Communiqué de presse de l'ART annonçant l'approbation du catalogue d'interconnexion de France Télécom :
http://www.art-telecom.fr/communiques/communiques/2001/40-2001.htm
(3) soit 673 millions de francs pour un coût global du service universel estimé de 2,727 milliards de francs
(4) soit 41 millions de francs pour un coût global de 2,4 milliards de francs