Le lancement de l'accès tout compris en illimité à Internet en septembre est très fortement compromis
Pour accélérer le développement de l'accès à Internet en France, des opérateurs de télécommunications et des fournisseurs d'accès travaillent depuis l'automne 2000 avec les pouvoirs publics pour mettre en place des conditions d'interconnexion permettant de généraliser les offres tout compris illimitées en France.
Avec cette formule, le grand public pourrait se connecter autant d'heures qu'il le souhaite à Internet, pour le prix d'un abonnement forfaitaire incluant les communications téléphoniques.
Les pouvoirs publics se sont à de multiples reprises prononcés en faveur de cette évolution mais sans résultat à ce jour.
Le 11 janvier 2001, Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'Industrie a annoncé que, grâce à son intervention auprès de France Télécom, une offre à moins de 200 F (30,5 EUR) par mois serait proposée dès cet été (1).
Cette annonce, positive, avait toutefois deux limites :
- elle ne donnait pas d'indication sur l'intérêt réel du grand public pour une offre d'accès Internet en bas débit à 200 F (30,5 EUR),
- elle définissait un prix de vente final d'un accès Internet illimité sans que le prix de gros de la connexion téléphonique soit connu, alors qu'il est une composante essentielle de l'offre (2).
Le 6 avril 2001, Jean-Michel Hubert, Président de l'Autorité de Régulation des Télécommunications (ART) a annoncé avoir négocié un accord avec France Télécom sur le tarif de gros qui serait proposé aux opérateurs longue distance. (3)
Suite à l'intervention de l'ART, France Télécom fixait à 145.000 F HT (22.105 EUR) le prix annuel d'un lien d'interconnexion de 30 circuits sur un commutateur d'abonnés (soit 30 abonnés connectés simultanément). (4)
L'ART en tirait la conclusion qu'un tarif pour le grand public pouvait être proposé à 180 F TTC (27,5 EUR).
Cette annonce avait deux limites :
- elle annonçait un prix pour le consommateur final sans concertation préalable sur les modalités économiques permettant aux nombreux acteurs de la chaîne (opérateurs alternatifs, fournisseurs d'accès à Internet) de proposer ce niveau de prix, et sans étayer l'attrait réel du grand public pour une offre bas débit à 180 F (27,5 EUR),
- aucun opérateur de télécommunications hormis France Télécom n'était susceptible d'y souscrire massivement, car seul France Télécom est réellement présent au niveau des 800 commutateurs d'abonnés qui sont répartis sur l'ensemble du territoire (5),
L'AFA est aujourd'hui très réservée sur la capacité des fournisseurs d'accès à pouvoir proposer une offre tout compris illimitée en septembre 2001, comme cela avait été promis par France Télécom le 11 janvier 2001, pour les raisons suivantes :
- l'offre de France Télécom est techniquement irréaliste. Les opérateurs de télécommunications attendent toujours qu'une offre leur soit faite au niveau régional, car c'est seulement à ce niveau que la plupart d'entre eux seront techniquement en mesure d'y souscrire. Ceci étant, les délais techniques de mise en oeuvre annoncés de France Télécom ne permettent pas de lancer l'accès illimité en France avant début 2002,
- le tarif final de 180 F TTC est économiquement irréaliste et fondé sur une information partielle sur les coûts que les fournisseurs d'accès auront à supporter pour mettre en ouvre une interconnexion forfaitaire illimitée. En l'état des tarifs connus, ce tarif ne couvre que l'interconnexion avec France Télécom au niveau local, et pas l'interconnexion au niveau régional ni l'accès Internet proprement dit (6).
L'alternative paraît être la suivante en l'état des tarifs proposés par France Télécom :
- soit les fournisseurs d'accès proposent les forfaits illimités à un tarif vraiment grand public (soit autour de 100 F - 15 EUR), ce qui répondrait à une attente du marché, mais représenterait des ventes à un prix plusieurs fois inférieur à leur coût,
- soit les fournisseurs d'accès proposent les forfaits illimités à un tarif viable économiquement, mais ces forfaits seraient sans intérêt par rapport à l'accès haut débit.
Aucune branche de cette alternative n'étant satisfaisante, l'AFA considère qu'il est urgent que France Télécom propose dans les plus brefs délais une offre au niveau régional à des tarifs permettant de généraliser l'accès Internet tout compris illimité à des tarifs attractifs pour le grand public et économiquement viable.
A défaut, il n'y aura très probablement pas d'accès illimité à Internet à la rentrée 2001.
Paris La Défense, le 17 mai 2001
Contact Presse :
Jean-Christophe Le Toquin
Délégué Permanent
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(2) Pour que les fournisseurs d'accès puissent offrir un accès illimité à leurs abonnés à un prix de détail attractif, ils doivent pouvoir eux-mêmes acheter aux opérateurs de télécommunications des capacités de communications téléphoniques en gros à un prix substantiellement inférieur. En pratique, pour proposer un forfait Internet illimité incluant les télécommunications, les fournisseurs d'accès achètent des prestations de télécommunications aux opérateurs qui disposent d'une réseau local ou aux opérateurs d'un réseau longue distance. Dans cette seconde hypothèse, l'opérateur longue distance achète lui-même ces prestations de télécommunications à France Télécom pour l'accès au réseau local.
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(4) Ce tarif forfaitaire de 145 000 FHT par an et par lien sur un commutateur d'abonné correspond, en interconnexion tarifée à la minute, à un trafic de 3,5 millions de minutes par an. Il rémunère donc France Télécom, pour chaque lien, 31% plus cher que l'interconnexion à la minute, dont les prix sont calculés pour un trafic de 2,6 millions de minutes par an sur chaque lien normalement rempli.
(5) En effet, aucun opérateur longue distance n'a accès à plus du tiers des 800 commutateurs d'abonnés de France Télécom qui sont répartis au niveau local à travers tout le territoire. Les opérateurs sont en revanche interconnectés à France Télécom au niveau des 18 commutateurs de transit régionaux.
(6) Le simple calcul suivant peut-être fait :
- Coût du trafic local d'un abonné pour France Telecom : 118 F HT (source ART)
- Coût du service universel à supporter par les opérateurs de télécommunications : 0,86 centime HT / minute, soit 30,96 F HT pour 60 heures de communication (ce qui paraît une hypothèse basse pour des abonnés qui payent 180 F pour un accès bas débit)
- Coût total : 150 F HT, soit 180 F TTC.
Cela signifie que le prix de l'abonnement est absorbé tout entier par le prix de la communication téléphonique locale, auquel il faut ajouter :
- le coût du trafic pour l'opérateur longue distance
- le coût du service du fournisseur d'accès (surdimensionnement de l'infrastructure de connexion téléphonique pour être capable d'assurer une qualité de service en période de pointe, surdimensionnement de l'infrastructure Internet pour assurer une qualité de service face à une consommation particulièrement intensive des abonnés, assistance technique des abonnés, promotion de l'offre, etc.)
Si France Télécom et l'ART appliquaient la même méthode de calcul à l'interconnexion forfaitaire au niveau régional, celle-ci s'élèverait selon le calcul même de l'ART, à 320 F TTC par abonné pour France Télécom.